Le monde du cinéma est petit. Un contact nous entraîne vers un autre et petit à petit nous trouvons dans une mafia de connaissances. Loin du légendaire élitisme des occidentaux le japon était un large réseau d'amis polis et inaccessibles. Les nippons ont depuis la nuit des temps pour tradition de s'entraider et pour la première fois depuis le début de sa carrière, elle avait enfin l'impression d'entrer dans le moule.

Car ce fut évidement avec bon cœur qu'elle accepta d'inviter un étranger à souiller son jardin secret, pour l'initier aux arts secrets de la comédie. Non sans ironie. Personne ne mettait les pieds chez Fusae Ichinose, excepté son agent. L'absence de chaussons à l'entrée – comme le veut la tradition – n'allaient pas sans prouver cette manie. À la place, une montagne de chaussures de luxe neuves ou jamais mises siégeaient.

Alors était-ce un élan de pitié qui l'avait poussé – ce soir là – à accepté cette requête ? D'abord elle avait refusée. Bien sur. Puis l'ami agent d'un ami agent de son agent avait quelque peu insisté et elle s'y était résignée. Hm. Peut être avait simplement cédé. Ou peut être avait-elle mis sa fierté de côté pour une fois. Qui y croirait ? Cette vague idée lui fit fouetter plus prestement encore son matcha impérial et des effluves parfumés et corsés emplirent la pièce. La tour d'ivoire était bien gardé. Au quatrième, l'appartement était là entouré d'un silence pesant.

« Humpf. »

Fusae avala une courte gorgée de son thé tout en regardant l'heure sur son téléphone. Les agents se connaissaient entre eux et la presse à potins avait finit par lui concéder une réputation de vipère acariâtre. Pas étonnant s'il renonçait. Elle bu une nouvelle gorgée. C'était pas plus mal, après tout …

Elle n'avait pas ouvert la porte qu'elle explosa d'un rire bref, mais sincère. « Il ne manque pas d'air celui-la. » lâcha t-elle en adressant à Akiko un sourire en coin. À sa mine contrite elle compris que ce n'était évidemment pas prévu dans le script « Ne t'inquiètes pas, j'en prendrais soin va.♥  » fit-elle avec une voix mielleuse - celle qu'elle prenait habituellement pour les interviews et les émissions télévisées. Elle faisait partie intégrante de son rôle médiatique. La petite demoiselle réajusta ta cravate – comme c'est megnon - et s'apprêta à filer lorsque Fusae l'interpella :

« Akiko-san, à l'occasion. Demandes à Yusuke de me ramener des clopes et du saké. J'ai été obligée de me remettre au thé vert. Je le soupçonne d'oublier trop souvent ce genre de petits détails dans ma liste de courses. »

L'intéressée lui adressa une moue évasive qui ne fit que confirmer les soupçons de Fusae. Yusuke Kishimoto était un doyen dans l'art de l'impresario – et il fut le seul agent à avoir survécu au caractère lunatico-exentrique de l'actrice après le scandale qui secoua sa carrière. Bien sur qu'elle lui était redevable. Mais des fois, ses sales manies de vouloir tout contrôler l'exacerbait. Sa conspiration contre elle avait rendu ses collègues imperméables à la corruption, ils étaient tous de mèche dans cette boîte de traîtres ! Elle poussa un long soupire désabusé et lui intima d'un geste lasse de débarrasser le plancher. Puis la rousse s'adossa à la porte en croisant les bras, te détaillant avec intérêt. Ce flot de convenances la rendit presque affable :

« Ichinose Fusae. Enchantée, petit. J'ai beaucoup entendu parler de toi … »

Ben oui, c'est pas comme si on avait insisté, hm ! Elle t'invita à entrer chez elle d'un petit signe de tête. L'appartement était sobre mais grand et un léger mélange de thé vert et de tabac froid flottait dans l'air. Une grande natte s'étendait au milieu du salon.

« Alors de ce qu'on m'a dit, tu aimerais te lancer dans une carrière d'acteur. Tu es déjà apparu au petit écran ? Rôles secondaires, publicités ...». Question pas anodine. Elle disparue dans la cuisine – comme si c'était très poli - et sa voix se fit lointaine « Bière ? » postée devant le frigo un silence s'installa, témoin d'une lutte interne acharnée. Et finalement, elle se sentie obligée de te titiller :

« ... Jus d'orange ? »

Elle attendit patiemment ta réponse. Et lorsque cette dernière émergea, timide et polie du couloir, un petit sourire rehaussa la commissure de ses lèvres. Lorsque le loup se transforme en agneau, inutile de persévérer. Elle soupira, referma la porte du frigo d'un petit coup de talon et te rejoignit dans le couloir.

Elle aussi avait commencé par le mannequinat. Mais c'était une période plutôt mauvaise. Comment était-elle lycéenne déjà ? Pas mal différente. Un peu moins chiante. Il faut dire que la concurrence entre jeunes idoles d'une même agence était d'autant plus viscérale. Les journées à rallonge sans promesse de succès pouvaient suivre une idole toute sa vie. C'était misérable et déprimant. Et surtout ce n'était pas une voix facile.  

« C'est déjà un bon début » avoua t-elle d'un ton encourageant avant de continuer « Hijikata devrait te pousser à prendre des rôles dans des publicités pour te faire connaître. Ils sont versés dans le drame et la comédie, si tu veux pas finir tes vieux jours dans un théâtre il va falloir hausser la voix ...».

Elle bu une gorgée de bière puis suivi ton regard. Pas la peine de mentir, c'est vide. Ce balcon lui était qui plus est inutile. Elle fumait à l'intérieur, parce qu'il n'y avait personne à polluer. Elle allait te filer ton jus d'orange lorsque tu te faufila émerveillé vers ce dernier. Haha c'est quoi cette … réaction ? C'était pas convenable. Et pourtant, ça avait étrangement détendu l'atmosphère.

« Dis, je ne vais pas te poursuivre avec ton jus d'orange » fit-elle sur un ton faussement rancunier en prenant ta main et en te reléguant la boisson. Puis elle te fixa et tira sur ton nœud de cravate pour la desserrer. Sa seule vue l'étouffait; ça lui donnait vraiment l'impression d'être au boulot. Ouf. Elle soupira d'aise.

« voilà c'est mieux. Bon, maintenant passons aux choses sérieuses. » Elle posa sa canette en équilibre sur la rembarre « On m'a demandé si je pouvais périodiquement répondre à tes questions et te conseiller, alors j'ai trouvé un p'tit quelque chose qui pourrait t'aider » elle disparaît dans le salon et revient avec un script « Un film réalisé par Elena Rosebury. C'est l'adaptation cinématographique d'une Light Novel qui a reçu le 29th Nihon Taisho Award. Il y a beaucoup de petits rôles qui restent très présents jusqu'à la fin. C'est ambitieux oui c'est sur, mais tu pourrais participer au casting de plusieurs rôles plus ou moins importants et voir ce que ça donne. Ils sont dans un mois. Qu'en penses-tu ? » à ces mots, elle agita confiante le document sous tes yeux.