il y a ce vide béant.
dans sa tête, dans son estomac, dans son cœur, il est toujours là. ce vide qui le hante et le frustre chaque jour un peu plus, ce vide qui crée chez lui cette soif malsaine d'expériences, de connaissances, de succès et de changements.
il y a cette désinvolture affligeante.
ce laisser-aller permanent dans ses gestes, cette nonchalance pénible qui traîne dans ses pas, cette indifférence accablante dans son regard, mais au milieu de ce lac immense de quiétude et d'ennui, il y a parfois cette timide petite étincelle, née de sa rage de savoir et de découvrir, qui pétille faiblement au fond du gouffre creusé par sa placidité.
car sasha obéit à la loi du tout ou rien ;
une fois sa curiosité titillée, cette étincelle allumée, son regard brille comme mille étoiles qui filent dans l'obscurité opaque, son énergie initialement rasant le zéro absolu augmente de manière exponentielle pour toujours atteindre le même maxima, la même intensité extraordinaire d'enthousiasme : c'est son cœur qui s'enflamme et qui hurle à l'action, car sasha a la passion qui bat dans sa poitrine.
sans cela, sasha pauvre sasha n'est qu'un gros paresseux, trop mesquin pour être inoffensif, trop tolérant pour être méchant.
sasha est d'une passivité consternante ;
sasha est tolérance, sasha est patience ;
sasha accepte et ne refuse jamais ; il est en constante adaptation du monde qui l'entoure ;
sasha passerait sa vie entouré d'enfants brailleurs sans sentir l'irritation lui monter aux nerfs ;
car sasha est paresse, sasha veut tuer l'ennui, sasha veut combler son vide ;
alors sasha embrasse les changements de tout son être.

naissance ; à yokohama un trois septembre, dans une famille aimante, noyé dans une marée de jouets, titillé et chouchouté par une grande-soeur à la mine d'ange, le nouveau petit kjellberg ne manquait de rien.
maternelle ; commençait timidement à parler japonais, mais restait trop effrayé pour initier les conversations ; arrivait souvent en larmes le matin à l'école ; puis s'amusait comme un petit fou ; avait l'étoffe parfaite d'une victime ; rentrait donc parfois amoché ; petite fleur qui ne bouffait que des légumes et des fruits.

et puis il y a eu yoshi,
petite fille forte et fière, criait comme un gamin sur caféine et riait comme un lionceau vainqueur de ses premières batailles ; c'était « yoshi-sempai » toujours suivie de sasha « boucle d'or », gonflé d'admiration et désireux d'apprendre l'art du combat avec les poings et les cailloux auprès d'elle.
parce que finalement, yoshi avait tout ce dont boucle d'or rêvait.
technique, force, courage, charisme, justice, virilité ;
il l'éleva immédiatement au rang de « maître » et promit qu'il deviendrait un jour aussi fort qu'elle !
lancé dans cet élan soudain, sasha mangea des épinards tous les jours, joua à just dance trois fois par jour, observait et suivait yoshi pour découvrir les secrets de sa force, mais finalement c'était bien trop épuisant et il a vite abandonné.

en grandissant, son admiration irraisonnable pour yoshi finit par très vite s'atténuer, couronné par l'arrivée de l'adolescence qui donna naissance au sasha d'aujourd'hui, aussi actif qu'un ancêtre dans son cercueil et aussi expressif qu'une tortue des mers, un sasha qui développa diverses techniques pour dormir en classe.
loin d'être brillant en littérature, il se surprit pourtant à aimer les pièces de théâtre, pris d'admiration pour ce flot d'émotions qui traversèrent chaque représentation. et plus vite qu'il ne put comprendre, sasha se retrouvait tous les soirs affalé dans son lit à réciter ses dialogues, mimer les émotions qui finirent par complètement l'immerger une fois sur scène ;
lentement, les personnages qui au début ne représentaient que des masques sans distinction, devinrent des personnalités à part entière qu'il s'amusait à faire vivre à travers son jeu d'acteur ; mais cette passion n'existait que dans le seul but de remplir le vide creusé par l'ennui qui le dévorait, elle n'en restait pas moins véritable.
lycéen, il enchaîna auditions sur auditions, décrochant le plus de rôles qu'il put, et, oh à son grand malheur, s'absenter de plus en plus en cours.

parallèlement, il développa cette fascination pour le maquillage en regardant tous les matins sa sœur se transformer d'une vieille chaussette grincheuse à une charmante adolescente aux airs de princesse ; et très vite ce n'était plus que lui qui la maquillait et la coiffait, puis récupérait les différentes impressions que certaines de ses expérimentations artistiques ont pu donner.

alors que la fin de sa vie de lycéen approchait, que sasha n'avait aucune idée de ce qu'il allait bien faire de son futur, d'autant plus qu'il avait diablement envie de partir à las vegas et vivre une vie de jeune libertin sous un faux nom charismatique, qu'une grande agence lui proposa un futur sous les projecteurs,
en cultivant
en exploitant
son talent,
sa passion
sur scène.
excité, heureux, pétillant de joie, fébrile de bonheur, même sa main droite n'avait jamais été capable de lui offrir tant de jouissance et d'émotions ; pris par le flot des évènements, sasha décida également de poursuivre le deuxième amour de sa vie : le maquillage.

tandis qu'il voyait sa carrière et son avenir se concrétiser de jour en jour, yoshi qui venait régulièrement entretenir les consoles de sasha, débarqua ce jour-là avec une idée bien tordue : afin de renforcer sa féminité, d'accroître sa popularité naissante, de faire plaisir à son manager, ils joueraient dans la cour des grands, ils attiseraient l'attention du public, ils feraient le premier pas ensemble dans le jeu des scandales, ils prétendraient être en couple.
amusé par l'idée et poussé par sa fierté, il accepta. parce que maintenant que sasha était plus grand que yoshi, maintenant que sa corpulence était plus robuste que la sienne, maintenant que sasha est un homme, c'est à son tour de l'aider ; même en gagnant cinquante centimètres avec cette pénible attitude indifférente, sasha a toujours voulu être à la hauteur de la petite fille qu'il avait admiré.