Il faisait beau. Il faisait chaud. Le ciel était dégagé et Kanra était motivée. Une journée parfaite en somme. Aujourd'hui, il était hors de question de rester les fesses au frai, les cheveux volant dans l'air projeté par le souffle de son ventilateur qui ne faisait que braser l'air chaud présent dans son logement. Installer un climatiseur. Il faut déjà avoir l'argent pour ce qui n'est pas le cas de la blonde. Il faut être économe dans la vie, savoir classer les investissements valables et ceux qui ne serviront qu'à assouvir une satisfaction personnelle et don la valeur et l'utilité diminuera au fil des mois. Malheureusement, nous, simples et naïfs êtres humains, vivons dans une société qui influence les achats en masse. La vie à la campagne serait tellement plus simple pour résister à la tentation des spots télévisés et tout autres outils d'informations. Oh, Kanra, à la campagne en mode Mary Ingalls ? Simplement impossible. Elle a besoin d'une ville, d'activité et surtout de bruit pour vivre. Ce n'est certainement pas le chant harmonieux des grillons qui pourront servir se substitue durable et efficace. Bref. Que faire sous un soleil éclatant et son reflet sur le pare-chocs des voitures qui venaient éblouir les prunelles des yeux de la blondie ? Sortir et profiter. Ce fut en un temps-record que Kanra, vêtue d'une légère et longue robe dans les tons vieux roses assorti avec une ceinture en cuir accroché à sa taille et pour finir, surmonté d'un kimono à motif fleuri et de spartiate que notre bout de femme partie, ayant préalablement câliné avec amour son chat et lui avoir donné à manger. Son chat. Non. Sa vie. Elle l'avait recueilli le jour de son aménagement dans ce modeste et reposant appartement, loin de la frénésie du centre-ville. Elle partit donc, prenant soin de fermer sa porte à clef, venant par la même occasion, saluer poliment sa voisine de palier qui, elle, n'aimait pas particulièrement le chat de notre ravissante blondinette.

Kanra fit route vers une supérette non loin de son appartement, venant faire un long détourne, car oui, elle voulait marcher. Cela ne la dérangeait guère, bien au contraire. En plus de passer par de ravissantes ruelles toutes aussi fleuries et tapissées de feuille de cerisier venant finir leur belle vie sur le sol goudronné et chaud, elle pouvait profiter de cette atmosphère particulière qui régnée. C'était d'ailleurs, le seul endroit où le calme ne la déranger pas. Sa route la mena tout droit au Meguro-Fudōson, sanctuaire reposant et entouré d'une aura de mystère. Kanra ne connaissait pas réellement chaque histoire de chaque sanctuaire, mais cela ne l'intéressait guère. Elle préférait admirer la beauté de l'architecture ancienne. Elle s'était éloignée de son chemin pour venir s'approcher un peu plus, contemplant le bâtiment de loin. Il était magnifique, ce qui ne manqua pas de faire exciser un fin sourire sur les lèvres de notre demi-japonaise. Elle continua donc son inspection, avant de distinguer une silhouette au loin. On aurait dit un garçon. Brun. Grand. Sans réfléchir, elle s'avança de plus en plus, pas à pas, découvrant à chaque seconde le visage de l'étranger. Elle était à quelques mètres de lui, ses yeux fixés sur sa proie. Prête à lui sauter dessus comme le ferait une lionne chassant une jeune et pauvre gazelle. Mais là, la métaphore allait probablement devenir réelle. Elle le connaissait, mais elle ne savait plus son nom ni du lieu où elle l'avait croisés. Mais une chose était sûre, il ne lui était pas inconnu. Encore une question à laquelle elle se devait de répondre. C'est donc sans attendre plus longtemps qu'elle vînt s'éclaircir la voix et s'approcher de quelques pas du brun.

« Excusez-moi, mais... On s'connait non ? Votre visage me dit quelque chose. » Elle vint laisser volontairement une pose, prenant le temps de le regarder de bas en haut, n'oubliant aucun détail avant de reposer son regard interrogateur sur lui. « Je sais que ça peut paraître étrange qu'une inconnue vous dise ça, mais là, je mets ma main à couper que j'ai déjà vu votre tête. »

Il avait l'air de travailler, du moins, en apparence. Kanra continua de faire tourner ses neurones à trois cents à l'heure, ayant l'intention d'élucider ce mystère avant de rentrer. L'avait-elle rencontré dans son enfance ? Dans un de ses nombreux clubs de sport qu'elle avait fréquenté . En boîte de nuit ? Avait-il fini dans son lit ? Non. Elle s'en serait tout de même rappelé... Enfin cela reste une hypothèse à prendre en compte.

Si seulement retour vers le futur pouvait existait, on pourrait grimper dans la DeLorean DMC-12 avec le Doc. et chercher où ils s'étaient rencontré. Malheureusement, cela n'existait pas dans la réalité, ce qui est d'ailleurs, bien dommage. Qui n'a jamais rêvé de revenir dans le passé, changer deux ou trois choses ou tout simplement, voir comment était la vie à l'époque des cowboys et dans les années 80 ? C'est beau de rêver. Notre tête blonde poursuivit son questionnement intérieur, venant se mettre en position de réflexion : bras croisé, sourcille froncés, dos droit et regard figé sur un point fixe. Kanra, c'était le genre de fille qui prenait trop de temps à réfléchir. Elle n'est pas cruche, comme toutes les autres blondes, ça, c'est sûr, mais Dieu lui a donné l'intelligence de réfléchir, mais elle ne sait pas doser ses réflexions. Elle pourrait passer toute une après-midi à trouver une réponse comme : pourquoi avoir inventé l'alcool? Pour se donner un côté pompette ? Pour être un bonhomme en buvant cul sec ? Pour animer des soirées où l'ambiance se résumait à manger comme des porcs, à se faire vomir et continuer à manger ? Oui, c'était bien la seule chose qui l'avait marqué durant son cours d'histoire au lycée. Elle écouta brièvement les paroles du brun, trop concentré sur sa recherche de réponse, ce qui ne manqua pas de l'agacer, venant soupirer sans retenue.

« Rha, j'aime pas ne pas me souvenir, j'ai l'impression d'être une vieille atteinte d'Alzheimer. » En effet, cela ne lui plaisait guère. Elle vint donc reprendre une position dite normale, mettant sa main droite sur sa hanche du même côté, reprenant ensuite la parole. « J'sais déjà qu'on s'est pas rencontré ici, à Tokyo. J'me serais souvenue sinon. »

Bonne déduction Sherlock ! Elle partit donc de cette hypothèse. L'avait-elle rencontré aux États-Unis ? Non. Au lycée ? Certainement. Notre jolie blonde, après avoir rabattu ses cheveux de son côté gauche, vint s'asseoir sur des petits escaliers permettant d'atteindre l'intérieur du bâtiment. La marche, c'est bien, mais le repos aussi. Jambe serrée et bras poser en arrière, elle leva sa tête vers le ciel. Le calme était favorable à sa réflexion et c'est d'un coup, qu'elle le pointa du doigt, ne manqua d'aucun tact.

« Je sais ! Tu es le coincer de la montagne ! » Avait-elle touché le jackpot ? Oui. C'était bel et bien lui, le muet de la montagne. Il ne parlait que très rarement et les seules fois où elle l'avait entendue, il avait ce ton agacé qu'on ne supporte pas, mais là, son ton était plus posé, ce qui l'étonna. « Comme ont s'retrouve. Qu'est-ce que tu fais à Tokyo ? »

Elle était fière. Fière d'avoir retrouvé leur lieu de rencontre. Fière de ne pas s'être énervé pour une chose qui aux yeux de diverses personnes, peut paraître futile. Mais pas pour Kanra. Après tout, retrouver quelqu'un du lycée était quelque peu rare ! Les yeux rivés comme deux fusils d'assaut sur le pauvre garçon devant elle, la blonde avait dessiné sur ses lèvres, son sourire à la fois flamboyant et flippant qui peut laisser perplexe plus d'un homme. Oui, notre belle jeune femme avait l'habitude de sourire, même dans les moments sérieux, ce qui la rendait difficile à cerner. Il s'agissait donc bel et bien, d'une connaissance d'attend de sa fin de scolarité. Cela, comme on pouvait facilement le constater, la rendait heureuse, d'où son rire délicat qui vint se diffuser comme un doux parfum rosé. Très agréable. À défaut d'avoir des paroles crues, son rire amortissait le choc. Il faisait dans l'humour. L'homme parfait disait-il ? À première vue, il avait l'air de cette catégorie d'homme toujours à rechigner, à se plaindre du moindre détail et à être perfectionniste. De plus, la chose qui l'étonna le plus était le visage du jeune homme. Inexpressif. Il était plus difficile de deviner ce qu'il ressentait à l'heure actuelle que de se sentir à l'aise avec le sourire de Kanra.

« Tu te lances des fleurs maintenant ? Toi qui, de mon souvenir, étais plutôt dans la réserve. »

La blondie était amusée de la situation. Cela allait, en quelque sorte, animer sa journée qui était partie pour être monotone. Kanra était le genre de personne qui aimait bouger, voire de nouveaux endroits et surtout, de faire des rencontres. Elle avait la parlotte et cela se ressentait rapidement dans sa façon de se mettre à l'aise avec n'importe qui en peu de temps. Et aujourd'hui n'allait pas faire exception. C'était installé confortablement, si l'on peut dire ça comme ça, son regard observait chaque recoin de l'homme devant elle. Il faut l'avouer, il n'était pas mal. Était-il célibataire ? Question sans réponse, après tout, les plus beaux hommes sont comme des chats sauvages, difficiles d'approches et ont appris l'art de se faire envier. Le visage exposait au soleil, lui réchauffant ses joues, elle pourrait rester ainsi toute la journée, à discuter de tout et de rien pour simplement, profiter du soleil. Mais malheureusement, elle ne pouvait pas se permettre de rêvasser, après tout, elle savait très bien, voire trop bien que la vie n'était pas un conte de fées, qu'aucun homme viendrait lui remettre ses talons ou viendrait l'embrasser dans son lit pour la réveiller d'un mauvais sort.

« C'est la première impression que j'ai eue de toi. » Rétorqua-t-elle sur un ton calme avant de reprendre la parole pour poursuivre ce qu'il venait de dire et pour avant tout, lui répondre. « Ne prends pas la défensive avec moi, je n'ai jamais mentionné le fait que j'voulais que tu déménages. J'viens d'arriver y a quelques années pour découvrir la vie exaltante de Tokyo en quelque sorte. »

Suite à ses paroles, elle resta un long moment à fixer une sorte de calepin qu'il tenait dans ses mains. Que faisait-il ? Cherchait-il de l'inspiration ici ? Cela ne l'étonnerait même pas.

« T'es écrivain ou un truc du genre ? » Demanda-t-elle, tout en désignant le calepin de son index.

Posé. Voilà comment se sentait la demoiselle installée de façon à profiter pleinement du soleil. Plongée dans ses pensées, elle devint rapidement nostalgique de ses années lissées. C'était le monde des bisounours. Vraiment. Tout le monde prétendait s'aimer, tout le monde rigolait ensemble et surtout, le professeur de mathématiques, d'où son niveau pitoyable. Alors que maintenant, la blonde se retrouvait seule dans une immense fourmilière. Tokyo. Malgré tout, c'était un mal pour un bien. Elle avait appris à prendre encore plus d'autonomie et surtout, de confiance en soi, ce qui était deux choses bénéfiques pour son projet professionnel.

Elle l'écoutait bien entendue parler, même si l'expression de son visage pouvait laisser penser le contraire, esquissant par moments de léger sourire amusé. S'il le voulait, il pouvait être drôle ! Kanra vint donc reposer son regard sur lui, venant donc prendre à son tour la parole.

« Ton visage est le principal souci. » Une simple phrase avec de simples mots. Voilà comment pouvait prendre l'allure des phrases de Kanra. « Je n'ai pas encore fait le tour entier de Tokyo. Certains endroits me sont encore inconnus, donc j'aurais probablement recours à t'es connaissance de la ville. »

Maintenant qu'elle avait ENFIN retrouvé une connaissance de lycée, elle était bien décidée à ne pas le lâcher, car après tout, il était sympa. De plus, le fait qu'il lui dise qu'il soit journaliste lui donna encore plus l'envie de reprendre contact avec. Au cas où que certaines informations négatives à son propos viennent par être découvertes. Il faut toujours imaginer le pire scénario pour se protéger encore plus. Enfin, cela restait le point de vue de Kanra.

« Journaliste ? C'est cool comme métier ? Ça doit être chiant de faire des articles sur tout et n'importe quoi non? » Tant de questions de la part de la belle qui vint se servir volontairement dans le paquet de Pocky d'Heike. « Les fameux Pocky... Ça fait longtemps que j'me force à pas en acheter et toi t'arrives en m'en offrant tel un sage. » Elle ria doucement à sa phrase avant de manger un Pocky. Elle n'aimait pas plus que ça grignoter, mais elle ne pouvait refuser. Après tout, c'était gratuit et surtout, il s'agissait de Pocky, nourriture qu'elle aimait fortement, particulièrement accompagnée d'un bon chocolat chaud et d'un verre de jus d'orange.

HRP:

Cet endroit illuminé par le soleil et animé par les voix des diverses personnes venant admirer ce bâtiment lui rappela une danse ancestrale vraiment magnifique, qu'elle avait eu l'occasion d'admirer. C'était à la vue, si simple, si lent, mais en réalité, chaque mouvement était calculé à la seconde près. Encore aujourd'hui, lorsque l'envie lui prend de refaire cette danse, cela lui est très compliqué et lui prend plus d'une journée pour arriver à un résultat potable. Cela lui rappela aussi la vie de certaines personnes à qui chaque minute étaient importantes, mais qui à cause de leur préoccupation incessante du temps, elles ne prenaient pas le temps d'admirer, d'apprécier et surtout, de profiter amplement des moments comme celui-ci, posé calmement et en bonne compagnie.

Le visage à présent éveillé grâce à la lumière du jour, la blondie vint observer le jeune homme assis à ses côtés, tout en venant reprendre un pocky, essayant de se restreindre à un maximum de cinq pocky. Il avait l'air pensif et son air froid était, durant une courte seconde, estompé, mais que voulait vous, comment on dit "le naturel revient toujours au galop". Cela marchait évidemment pour les deux sens, car notre jolie blondie qui était précédemment calme, vint se mettre à rire après qu'Heike lui est dit de s'aider des cartes pour s'orienter dans la ville.

« Dit le clairement si tu ne veux pas que j'vienne te faire chier en te demandant où se trouve un endroit. » Dit-elle d'un ton amusé, venant reprendre la parole après lui avoir gentiment mis un coup de coude sur son bras. « Même si tu ne veux pas être dérangé par des choses aussi "futiles", j'viendrai quand même te demander ton aide.~ »

Possessive déjà ? Non, elle est toujours comme ça. Le genre de fille a aimé le contact avec les gens, à parler à tout va. Plus elle l'observait, plus elle constatait qu'une certaine fatigue venait s'emparer à petit feu de lui, ce qui la fit d'ailleurs sourire quelque peu en coin. Un sourire taquin.

« Un sourire, c'est beau, mais un vrai sourire, c'est encore plus beau. Tu dois surement réserver ces sourires pour une bonne occasion qui sait ? » Venant par la suite étirer ses jambes, elle vint scruter du regard les quelques visiteurs de passage avant de reprendre. « Ne t'endors pas maintenant, la journée vient à peine de commencer ! »

Qu'aurait été le déroulement de sa journée si notre donzelle n'avait pas croisé, ou plutôt recroisé le chemin de ce jeune homme, alias Heike? Hé bien, elle aurait été monotone. Il n'y a rien d'autre à ajouter. Comme dirait un certain homme dont je tairai le nom "Le changement, c'est maintenant !" et pour Kanra, le changement était plutôt bénéfique pour son métabolisme. Son pire cauchemar ? Qu'une journée soit identique à la journée précédente. Un jour des talons, l'autre des baskets, la suivante des tongs. Voilà comment synthétiser la vie magique de notre poney blond. Pour l'heure, son regard se posait avec une certaine récurrence sur sa vieille connaissance qui semblait s'assoupir à vue d'œil, ce qui était plutôt drôle à voir, tout comme ses réponses.

« Par le simple fait que je puisse être proche de toi, tu penses véritablement que les gens vont s'imaginer qu'on serait en couple? Ton imagination est débordante mon ami. » Un rire venant de la blondie vint égayer la conversation, faisant office de réponse à la phrase d'Heike. « Je vois que le contact et la présence féminine ne te réussi pas mon vieux. »

Elle ne voyait pas le temps passer, mais les divers passages des citadins venant admirer, tout comme elle, le temple lui firent rappeler. Elle n'avait en effet rien de prévu, mais rester sans bouger n'était pas son point fort. De ce fait, elle ne put s'empêcher de se redresser, venant prendre un dernier Pocky et de placer ses mains sur ses hanches, abordant une posture déterminée, ayant pour conviction de ne pas laisser le jeune homme s'endormir de si bons matins.

« Rester assis comme deux vieux, c'est ennuyant à la longue. Je t'offre un café pour te booster un peu. Tu n'as pas le choix, tu es obligé d'accepter, sinon j't'humilie en prétextant une rupture dramatique. » Un sourire en coin s'était affiché, elle s'imaginait déjà la scène qu'elle aurait probablement pu faire, mais bon, même s'il refusait, elle n'irait pas jusqu'à l'humilier en public, de plus, cela pourrait aussi nuire à sa possible future réputation. Il vaut mieux jouer la sécurité sur long terme. « Bien entendue, je rigole, mais qui refuserait un café gratuit ? »

Il fallait se l'avouer, étant plus jeune, notre blondinette rêvée de percer dans le théâtre, de monter sur les planches et de révéler à tous son immense talent pour la comédie. Cette dernière phrase n'est pas réellement représentative des réelles compétences dans ce domaine artistique. Sa seule pièce de théâtre était en primaire, où elle interprétait un écureuil. Elle était douée pour manger les noisettes, mais aussi douée pour finir à l'hôpital dû à son allergie. Une mésaventure comme une autre. Mais aujourd'hui, en cette belle journée et en ce lieu rempli de sagesse ancestrale, elle pouvait prendre sa revanche sur son enfance maudite par les noisettes et surtout, prouver à Heike qu'elle n'avait pas peur de se mettre en avant, notamment quand celui-ci lui demanda de tenter le coup.

« Vraiment ? Je suis la seule femme que tu supportes ? En effet, je suis très honoré ! J'en ai les larmes aux yeux. »

Le challenge était là. Elle devait montrer une performance exceptionnelle et surtout, qui pouvait rester dans les mémoires. Elle avait la tenue adaptée, il fallait maintenant que son visage et le timbre de sa voix suivent le même chemin. Elle commença alors à tourner en rond, faisant par la suite les cent pas tout en posant sa main sur son front, commençant à respirer de plus en plus pour faire monter ses larmes. Elle n'aimait pas vraiment pleurer sur commande, mais là, elle devait lui prouver que son talent de comédienne était bel et bien là. Après plus de deux minutes de marche en rond, elle commença à lui cracher des injures au visage, essayant de rentrer dans la peau d'une jolie demoiselle se faisant larguer lâchement. Elle avait déjà connu cette situation, donc il était plutôt facile pour elle de reproduire cela.

« J'y crois pas... Tu me fais ça maintenant ?! Comme ça, sans prévenir ! J'suis enceinte j'te signal ! T'es le pire ! »

Élevant la voix en venant frapper le torse de son interlocuteur avec ses poings, elle sentait les regards qui se poser sur elle et sur Heiké. Elle continua sa scène plusieurs minutes avant de soudainement sourire en coin avant d'exploser de rire. Voilà son plus gros défaut : elle ne pouvait jouer plus de dix minutes un rôle sans exploser de rire en entendant ses répliques. Après tout, Kanra restera Kanra, jouer un rôle au pied de la lettre ne lui ressemblerait pas.

« Désolé... J'peux pas continuer... J'suis pas faite pour la comédie j'crois ! » Elle essaya de reprendre une respiration normale, venant essuyer ses larmes de rire tout en venant poser sa main sur l'épaule droite de Heiké. « Mon Dieu... Ça sonnait tellement faux... C'est tellement triste. »

Kanra dans le rôle de la petite amie énervée et dépourvut de force pour pouvoir faire face à l'homme devant elle sans se mettre à pleurer aux cinq cents diables . Oui, cela était définitivement peu crédible, surtout quand on sait que la demoiselle passe le plus clair de son temps avec un sourire scotché sur ses lèvres et non à faire la gueule comme son interlocuteur devant elle. Un visage sans sourire était, pour elle, un visage mort ; mais têtue comme elle est, Kanra voulait au moins une fois dans sa vie, voir Heiké lui esquisser un "vrai" sourire. Après tout, c'est bien plus agréable de parler avec une personne souriante qu'avec une personne au visage renfermé. Retournons maintenant à la scène de ménage qu'avait simulé la blondie avec un talent presque inexistant pour ce genre de rôle. Malheureusement, son visage n'était pas devenu rouge de colère, ce qui aurait pu lui donner un point de plus pour la crédibilité, mais passons. La demoiselle riait comme elle avait l'habitude de le faire, c'est-à-dire sans se retenir, essayant malgré tout de répondre au jeune homme après, c'être quelque peu calmé, venant poser une main sur ses hanches tout en expirant bien fort.

« Pas si mal ? C'était atroce, même dans une situation réelle personne dirait autant d'insulte et de connerie à la seconde. » Elle vint prendre quelques secondes de pause entre ses deux phrases, le temps de venir s'attacher rapidement les cheveux pour en faire un chignon un peu foireux avant de reprendre calmement, un peu surprise par la manière dont il vint lui prendre le poignet.« T'es pressé, car c'est un café gratuit qui t'attend ? » Demanda-t-elle avec un fin sourire taquin sur les lèvres.

Elle n'y prêta pas tout de suite attention, mais ses yeux vinrent se poser sur la main d'Heike qui tenait son poignet. Elle était grande et ferme. Une main d'homme. Elle le suivit alors en marchant au même rythme que lui, même si ses jambes ne rivalisaient pas avec les perches que disposait le jeune homme. Hé oui, Kanra n'avait pas de si grandes jambes que ça. Mère nature fait parfois très mal son travail. Entre deux descentes d'alcool quelconque, il ne faut pas s'étonner des ravages qu'elle nous pond.

Sa petite scène de tout à l'heure ? Elle s'en remettait, mais ne pouvait s'empêcher d'émettre par instants des petits rires. Elle n'avait pas vraiment honte, mais exposer son médiocre talent à toute une panoplie de passants, ça, ce n'était pas vraiment très honorable. Ne se rendant pas instantanément compte qu'un écart venait se creuser entre le jeune homme et elle, étant plutôt concentrée sur son pseudo talent de comédienne, elle se s'attendait absolument pas à ce qu'il vienne soudainement... La porter. Cette action vint faire sans grande surprise, sursauter la blondinette qui fixa avec de gros yeux ronds le visage du brun. Qu'est-ce qui lui prenait de faire ça? De plus, il ne l'avait même pas prévenu ! Il était entreprenant, trop entreprenant.

« Who... T'es du genre sauvage toi. » Finit-elle par dire, ne le lâchant pas du regard avant de répondre à sa phrase. « Tant que tu ne prends pas un café hors de prix, ça me va. J'roule pas sur l'or. »

Il fallait bien l'avouer, la belle était quelque peu gênée de la situation. Mit à part son père, personne d'autre ne l'avait porté ainsi. Par chance, il n'y avait que peu de passants. Et oui, même les tigresses ont des petites choses qui peuvent les gêner, mais cela vient bien vite se dissimuler derrière un rire que Kanra ne pouvait cacher. La raison ? Le visage d'Heike était tout simplement à mourir de rire. C'était ce genre de visage que l'on ne pouvait refaire deux fois d'affiler, un visage à la fois très étrange, mais si drôle. Par un soudain réflexe, elle vint saisir son téléphone enfoui dans sa poche de kimono et le prit en un temps-record en photo.

« Alors ça, excuse-moi d'avance, mais je la supprimerai jamais ! » Dit-elle en continuant de rire tout en regardant la photo prise.

Les photos, elle aimait ça, elle adorait ça. C'est la seule chose que rien au monde ne pourrait remplacer. Ils gardent en eux les souvenirs du passé et du présent que l'on peut regarder à tout instant pour se remémorer les bons moments. Sont portables en est la preuve et est remplie de plus d'une centaine de photos, parfois touchante et d'autre complètement inutile, mais que voulez-vous, Kanra est ce genre de femme à porter une grande attention à tout ce qui l'entoure, même aux choses que l'on considérerait comme futile. Ils étaient arrivés devant un petit café du coin. Elle y avait déjà mis les pieds deux trois fois quand elle se baladait dans les environs. Les pieds-à-terre, elle vint instinctivement remettre sa robe correctement et tout en arquant un sourcille vis-à-vis de la remarque du jeune homme, elle lui mit un coup de coude et vint se mettre devant lui.

« Je dirais que c'est plutôt toi qui manques de muscle, prince. » Répondit-elle sur un ton moqueur.

Elle finit par le suivre, rentrant après lui dans le bâtiment qui respirait la fraîcheur, accompagné d'un soupçon de miel. Elle en avait déjà l'eau à la bouche. Finissant donc par s'asseoir en face du jeune journaliste, elle croisa ses bras sur la table et vint fixer silencieusement le calepin qu'il venait de sortir. Le travail, toujours le travail. Cela fit soupirer légèrement la blonde qui ne perdit pas une minute pour prendre la parole en pointant du doigt le carnet.

« Si tu tiens vraiment à ton café gratuit, range-moi ça. Tu auras tout le temps de noter des choses dedans plus tard. »